ras Makonnen
En 1963, Pierre Pétridès publie une biographie de Makonnen intitulée Le Héros d’Adoua. Ras Makonnen. Prince d’Ethiopie légèrement hagiographique mais relativement fiable.
Makonnen naît en 1852. Il est prince, descendant du négus Sahlé-Sellassié comme son cousin Ménélik avec qui il va s’entendre à merveille, sans manifester de jalousie. Makonnen participe très tôt aux campagnes lancées par le roi du Choa. Celle qui sera déterminante est la reconquête d’Harar en 1886 ; une ville dont il devient gouverneur en 1887. Au mois de mars 1889, le negusä nägäst Yohannes IV meurt dans la bataille contre les mahdistes. Ménélik se proclame le nouveau negusä nägäst et décide d’envoyer Makonnen en Italie pour acheter des armes. Le comte Antonelli voit dans cette transaction l’occasion inespérée de proposer un traité d’amitié entre l’Italie et l’Ethiopie. Ce fameux traité est signé à Ucciali le 2 mai 1889 et son issue marque un tournant dans l’histoire de l’Ethiopie, de l’Italie et du continent africain.
Le 21 août, Makonnen arrive à Naples où il est reçu en grande pompe, séjourne quatre mois et demi dans la botte. En résumé : le roi d’Italie ratifie le traité, Makonnen obtient ses armes. Pendant ce temps, à Entoto, Ménélik est couronné negusä nägäst le 4 novembre. Un mois plus tard, son cousin embarque à destination de Massaoua, faisant un détour par Jérusalem. La politique de Crispi devient claire lorsque Baldissera, après avoir, au mois de mars 1889, occupé Keren et s’être emparé d’Asmara au mois d’août est rappelé et son successeur, le général Orero, occupe Adoua le 26 janvier 1890. Ménélik est en route vers le Tigré pour affermir son autorité ; Makonnen débarque à Massaoua et rejoint l’empereur à Makallé au début du mois de février 1890. Le comte Antonelli accourt pour tempérer. Makonnen est fait ras à Entotto au mois d’avril. La situation ne cesse de se dégrader et la réaction des puissances européennes au traité d’Ucciali ne fait que confirmer le dessein de Crispi et Antonelli. Le contenu de l’article 17 du traité n’est pas identique entre la version italienne et amharique : la version italienne laissant comprendre que l’Ethiopie est soumise au protectorat de l’Italie. Antonelli refuse d’abroger ou de modifier l’article 17, quitte les pourparlers, consommant ainsi la rupture avec Ménélik. Nous sommes au mois de février 1891.
Le fils de Makonnen, Tafari Makonnen, naît le 23 juillet 1892.
Mi-mars 1893, Swayne est reçu par Makonnen à Harar. En guise de cadeau, Makonnen donne à Swayne, entre autres objets, une photographie de lui. Seventeen trips through Somaliland and a visit to Abyssinia du Major contient bien une photographie de Makonnen dont la légende ne précise malheureusement pas la source. Juste après le départ du Britannique arrive le Français Vanderheym à Harar sans pouvoir rencontre le ras qui a été appelé à Addis-Abéba.
Le 14 mars 1894, Makonnen perd son épouse, emportée par l’épidémie de choléra qui sévit à Harar.
Le 2 mai, le traité d’Ucciali prend fin. Trois jours plus tard, l’Angleterre et l’Italie signe une convention délimitant leurs « zones d’influences » respectives dans la Corne de l’Afrique.
Entre le 12 et le 16 janvier 1895, le général Baratieri défait l’armée du ras Mangasha à Coatit et poursuit son expansion en occupant Adrigrat, Makallé, Adoua et Aksum. Au mois d’août, Ménélik et Makonnen décident de proclamer la mobilisation générale des troupes. Makonnen est investi du commandement des troupes constituant l’avant-garde. Début novembre, les forces du Ras se mesurent aux forces du major Toselli, installées sur les hauteurs d’Amba Alagi. La défaite de l’armée italienne est patente. Le 12 décembre 1895, il est devant le fort de Makallé, rejoint par l’armée impériale le 7 janvier 1896. Le 21 janvier, le contingent italien évacue le fort. Le 1er mars, la bataille d’Adoua celle définitivement le sort de la l’armée italienne et confirme la bravoure du Ras Makonnen. Il est de retour à Harar au mois de juin. Le 26 octobre, Nerazzini et Ménélik signent un traité de paix formalisant l’organisation de l’après-guerre, en particulier le rapatriement des prisonniers italiens – au nombre de 1587 – contre le versement de 10 millions de lires.
C’est le départ de la valse des missions européennes auprès du vainqueur de la bataille d’Adoua.
Le 14 mars 1897, Ménélik signe avec Rennell un traité et le 20 mars avec Lagarde un traité d’alliance. Au mois de décembre Makonnen est rappelé à Addis-Abéba et envoyé contre les Mahdistes au Nil.
Au mois de juin 1898, le voyageur français Leymarie est témoin du retour à Harar de son gouverneur. Wellby rencontre le ras au mois de septembre avant que Ménélik ne le rappelle pour mater une révolte au Tigré. Il est de retour à Harar le 5 juin 1900 pour être confronté aux velléités du Mollah auxquelles il est répondu l’année suivante.
L’année 1902 est marquée par le voyage de Makonnen en Europe au couronnement d’Édouard VII. Les rencontres de Budge et de Lady Meux sont les plus notables. Elles ne seront pas moins importantes en France avec, entre autres, celle du colonel Marchand. Chefneux, Mondon et Ilg accompagnent le ras. Pétridès relève que le 22 juillet 1902, il est allé chez un photographe[1]. Il quitte la France pour se rendre à Zürich à l’invitation d’Alfred Ilg.
Skinner, consul général des Etats-Unis à Marseille est envoyé en Ethiopie pour signer un traité de commerce avec l’empereur. Il rencontre Makonnen à Harar en 1903.
L’année suivante, il fait un voyageur éclair à Addis-Abéba emmenant le Dr Vitalien qui l’abandonnera au profit de l’empereur. Le ras retourne à Harar le cœur gros, ayant perdu l’administrateur de son hôpital à Harar. La solution est trouvée en la personne d’un jeune médecin qui s’appelle Jacques Zervos. Taffari, âgé de 12 ans, est fait Dedjamatch.
L’Allemagne envoie une mission diplomatique et charge le Dr Friedrich Rosen de négocier d’un accord commercial similaire à celui que les Américains sont parvenus à décrocher. La mission rencontre Makonnen à Koloubi avant de se rendre à Addis-Abéba.
Au début de 1906, le major Ciccodicola insiste auprès de Ménélik pour qu’il reçoive Ferdinando Martini, gouverneur d’Erythrée et qu’il accepte de reprendre les relations « commerciales » avec l’Italie. L’empereur téléphone à son cousin pour l’inviter à venir à Addis au mois d’avril. Sur le chemin, à Koloubi, le ras Makonnen est victime d’une « dysenterie foudroyante » et meurt le 21 mars 1906. Ménélik perd celui qu’il voyait le succéder et ne lui survivra péniblement que 8 ans. L’Ethiopie perd un héros. Son fils de 14 ans deviendra le dernier empereur d’Ethiopie.
Biblethiophile, 04.07.2021
[1] Pétridès, Le Héros d’Adoua, Plon, 1963, p. 251