Maurice Maindron

Un entomologiste à Obock

↗ 1893 (02) ↘ 1893 (06)

Maurice Maindron (1857-1911) est un homme de lettre et entomologiste français. Fin 1892, le ministre de l’Instruction publique lui confie une mission scientifique à Obock où il débarque le 15 février 1893. Il loue le premier étage d’une maison et installe son laboratoire. On le voit « gratter des ossements, écorcher des requins, les bras dans le sang jusqu’aux coudes » et, évidemment, courir après tous les insectes mais nulle part prendre des photographies. Il quitte Obock le 14 juin 1893. A son retour en France, Maindron publie le récit de sa mission dans deux revues. Il est plus loquace dans la Revue hebdomadaire[1] que dans la Revue encyclopédique[2]. Sa lettre[3] du 20 décembre au rédacteur en chef de la Revue hebdomadaire, Félix Jeantet, accompagnée du manuscrit de son voyage, précise que « c’est un récit de bonne foy écrit sans fard et simplement présenté ». La deuxième revue contient des photographies qui ne sont pas créditées.

Il n’en fallait pas plus pour éveiller la curiosité du photographe Hugues Fontaine qui n’est d’ailleurs pas le seul car Philippe Oberlé[4] a consulté le dossier de Maindron au ministère de l’Instruction publique et affirme que dans « aucun document de ce dossier il n’est fait mention de photographies, ni même du mot photographie. » Dans son article Les photographies d’Obock et Tadjoura dites « Série Maindron »[5], il conclut comme peu probable que Maindron soit l’auteur des photographies de la série éponyme.

Débute alors une investigation tous azimuts en « interrogeant » une série de suspects: Jules Borelli, Robecchi Bricchetti, Paul Soleillet, Arthur Rimbaud, Ottorino Rosa, Philipp Paulitschke, Félix Jousseaume, Armand Krempf, Jean-Gaston Vanderheym, Sylvain Vignéras, Alphonse Aubry etc. Le  photographe Édouard-Joseph Bidault de Glatigné reste finalement seul en liste. Ne manquent que les preuves !

L’enquête est rondement menée par Hugues Fontaine[6] qui déniche des gravures d’après des photographies de Bidault et par recoupement arrive à la conclusion que les 58 clichés de l’ancienne « Série Maindron » sont bien le travail du photographe Bidault de Glatigné. La synthèse de cette passionnante enquête prend la forme d’un livre, immanquablement illustré des portraits, des groupes, des paysages de l’heureux élu mais également d’une remarquable série de cartes géographiques de la région et des prises de vue de 2019 de Pierre Javelot. Hormis le fait qu’Obock-Tadjoura Années 1880 devient un outil de référence, un hommage à un photographe français tombé dans un anonymat immérité, il offre aux habitants du Golf de Tadjoura un album familial sans fin commenté et dans lequel certains ne manqueront pas de reconnaître un de leur aïeul.

Biblethiophile, 20.08.2024


[1] MAINDRON (Maurice), Un coin de la Côte d’Ethiopie. Obock, le Lac Assal, Djibouti, Librairie Plon, Paris, 1894, in Revue hebdomadaire, 3ème année, tome 25: pp. 91-112, 258-278, 394-409, 562-581, 714-738; tome 26: pp. 97-108, 239-253.

[2] MAINDRON (Maurice), Une mission scientifique dans la baie de Tadjourah, Librairie Larousse, Paris, 1894, in Revue encyclopédique, année 1894, pp. 439-444, 486-488.

[3] https://www.biblethiophile.com/document/lettre-manuscrite-a-felix-jeantet/

[4] Philippe Oberlé est entre autres l’auteur de : Afars et Somalis. Le dossier de Djiboutiet Arthur Rimbaud et Henry de Monfreid en Ethiopie.

[5] Communiqué par Philippe Oberlé, non publié, 3 juillet 2019, mis à jour en février 2021.

[6] FONTAINE (Hugues), Obock-Tadjoura. Années 1880, 2023.