Géodésie d’Éthiopie ou triangulation d’une partie de la Haute Éthiopie.

En savoir plus

En 1837, Antoine rejoint son frère Arnauld en Égypte pour ne débarquer ensemble à Massaoua finalement que le 17 février 1838. Il leur faudra plus de trois mois pour atteindre Gondar où le scientifique réalise qu’un retour en France est nécessaire pour s’équiper de nouveaux instruments de mesure. Début 1839, il est de retour en France alors que son frère poursuit l’exploration de l’Éthiopie. Une année plus tard, Antoine tente de le rejoindre au Gojjam mais doit rebrousser chemin vers la mer Rouge où il se blesse à l’œil. Son ophtalmie l’oblige à se rendre au Caire. C’est en passant par Aden, Berbera, Tadjurra qu’il parvient à Adua. Le 25 juin 1842, il est à Gondar, en fin d’année à Lalibela et juillet 1843 dans l’Inarya. De cette région, il parvient à se rendre dans le Kaffa pendant onze jours, une région qu’il quitte le 3 mars 1844 en direction de la mer Rouge. Mars de l’année suivante, il laisse le Bamgemdir derrière lui pour retourner dans l’Inarya pendant dix-neuf mois. Fin 1847, il est de retour à Gondar, qu’il quitte début 1848. C’est à la fin de cette année qu’il embarque à Massaoua pour Le Caire.

Au cours de ces dix ans de pérégrinations, il rassemble une quantité d’information inestimable pour les Études éthiopiennes.

Malgré l’attrait que le scientifique Antoine d’Abbadie a pour les sciences exactes, l’étude des langues, des religions, des constitutions politiques et législatives et de la littérature lui paraissent tout autant intéressantes. La polyvalence de l’érudit est le gage d’une qualité d’étude qui lui est toute particulière. Cela étant, la publication de ses travaux s’avérera une aventure tout aussi extraordinaire que celle du terrain. Petit coup de projecteur.

Le domaine dans lequel le Basque s’illustre est la géodésie. En 1859, il publie à ses frais le Résumé géodésique des positions déterminantes en Éthiopie à Leipzig[1]. Incontinent, les longitudes et les altitudes contenues dans cet opuscule sont révisées et en 1860, non sans peine si l’on en croit l’avis préliminaire, Abbadie voit son travail publié chez Benjamin Duprat à Paris, sous la forme de livraisons portant le titre Géodésie d’une partie de la Haute Éthiopie […], revue et rédigée par Rodolphe Radau. L’avis du premier fascicule nous donne de précieuses informations sur le plan de l’ouvrage et sur les circonstances dans lesquelles il sera publié :

Afin de répondre aux demandes incessantes adressées à M. ABBADIE, nous nous sommes décidés à faire paraître une première livraison de la GÉODÉSIE D’ÉTHIOPIE. Cette livraison embrasse 27 feuilles; la seconde en contiendra environ 18, plus les planches gravées et les cartes, et nous espérons l’avoir terminée au mois de janvier 1861. Des obstacles de toute nature, inévitables pour les ouvrages de longue haleine, ont entravé la publication du nôtre depuis plusieurs années; heureux encore si nous pourrons en achever l’impression sans encombre !

Dans le but de donner dès aujourd’hui une idée approximative de la GÉODÉSIE D’ÉTHIOPIE, nous faisons suivre une table très-succincte des matières contenues dans cet ouvrage. Le chapitre XVII est la reproduction du RÉSUMÉ GÉODÉSIQUE publié provisoirement à Leipzig; nous avons seulement depuis changé les longitudes et les altitudes, qui n’étaient encore alors que relatives.

Ce document ne se trouvant que dans un nombre restreint de bibliothèques[2], laissez nous croire qu’il servira aux Éthiopisants de reproduire ci-dessous l’annonce cette table des matières, quand bien même l’exemplaire[3] de bibliethiophile accuse des manques, signalés par des parenthèses carrées :

Au mois de décembre 1861, Antoine publie un compte rendu dans les Nouvelles Annales des Voyages dont le tiré à part se trouve dans la collection biblethiophile. Il nous apprend que « la préface ne viendra qu’avec le second volume » et y pare en exposant les conditions d’observations in situ, les méthodes de mesure, les calculs et leur analyse.

La collation minutieuse de la Géodésie publiée par Duprat relève les points suivants :

• Le fascicule I publié en 1860 ne contient pas la préface annoncée.
• Le fascicule I compte 216 pages et se termine abruptement au milieu du chapitre VIII.
• Le fascicule II est publié en 1861 et se termine avec la page 360, sans carte.
• Le fascicule III est publié en 1863 sous un titre différent : Géodésie d’Éthiopie ou triangulation d’une partie de la Haute Éthiopie, exécutée selon des méthodes nouvelles […], vérifiée et rédigée par Rodolphe Radau.
• Son introduction composée du « I : Résumé du voyage » et de « II : Orthographe », occupant huit pages (i-viii), n’a pas été annoncée dans la table des matières de 1860. Cette livraison se charge de clore le chapitre XVI et, comme annoncé, reproduit le RÉSUMÉ GÉODÉSIQUE publié quatre ans plus tôt à Leipzig. Les additions et l’errata sont à leur place, en queue d’ouvrage.
• La table alphabétique des noms et des matières annoncée n’a pas été publiée.
• Le fascicule III compte les cartes et planches suivantes :
  • Carte n° 9 Inarya & pays limitrophes, Paris, 1862.
  • Carte n° 10 Frontière septentrionale du Kaffa, Paris, 1862.
  • Planche 1 [sans titre, montrant des appareils].
  • Planche 2 Trousse de voyage.
  • Profils en panoramas de quelques chaines de montagnes en Éthiopie (double) et Profils des signaux. Tour d’horizon 42 … 93.
  • Profils des signaux. Tour d’horizon 94 … 139.
  • Profils des signaux. Tour d’horizon 141 … 184.
  • Profils des signaux. Tour d’horizon 185 … 224.
  • Profils des signaux. Tour d’horizon 225 … 256.
  • Profils des signaux. Tour d’horizon 257 … 293.
  • Profils des signaux. Tour d’horizon 264 … 325.

En définitive, ce sont les cartes qui sont les plus attendues car elles représentent le produit fini et accessible au commun des mortels. Or, l’éditeur Duprat ne parvient pas à éditer les quatre cartes annoncées et se contente de deux, les n° 9 et 10.

L’épopée de cette publication n’est de loin pas terminée. Si le cœur vous en dit, poursuivons ensemble.

En 1866 paraît à l’Imprimerie Victor Goupy, à Paris, une livraison portant le titre Cartes d’Éthiopie par Antoine d’Abbadie pour accompagner sa géodésie d’Éthiopie. Sur la page de titre, l’éditeur avise le lecteur que « la première livraison des cartes a été publiée avec le troisième fascicule de la Géodésie ». Pauvre de lui ! Il reçoit le solde de ses cartes six ans après avoir débuté sa lecture. L’exemplaire de biblethiophile contient les cartes suivantes :

• Carte n° 3 Simien et Zimbila, Paris, 1867.
• Carte N° 4 Damyia et Lasta, Paris, 1866. Encarté : Gondar et Environs.
• Carte N° 5 Awawa et Bagemidir, Paris, 1865.

Il n’a pas été possible de connaître le contenu exacte prévu par Goupy. Le fait que la carte n° 3 soit datée de 1867 et publiée dans une livraison de 1866 participe de l’épopée éditoriale.

L’œuvre complète, avec les 11 cartes ne paraît qu’en 1873 chez l’éditeur Gauthier-Villars sous le titre Géodésie d’Éthiopie ou triangulation d’une partie de la Haute Éthiopie exécutée selon des méthodes nouvelles par Antoine d’Abbadie […], vérifée et rédigée par R. Radau. Dans son introduction, Antoine d’Abbadie évoque bien le résumé publié en 1859 et les fascicules publiés en 1860 et 1861, cependant, il n’estime pas nécessaire de mentionner les éditeurs Duprat et Goupy. À la page XXX, l’auteur explique que les neuf cartes manquantes étaient imprimées avant que la guerre de 1870 n’en suspende la publication. D’autre part, l’armée britannique n’ayant pas lésiné sur les moyens réservés à la triangulation de la région entre Zulla et Magdala, les résultats publiés dans le rapport officiel se devaient d’être comparés à ceux de la géodésie.

La contribution d’Antoine d’Abbadie aux Études éthiopiennes est largement sous-exploitée. En 2021, ce constat a débouché sur le projet de transcription de ses carnets[4]. Une initiative qui ne peut être que louée. Votre participation est bienvenue sur la plateforme de transcription collaborative.

Biblethiophile, 10.06.2019, révisé le 25.03.2025

[1] ABBADIE (Antoine, d’), Géodésie d’une partie de la Haute Éthiopie, p. 432, publié à 100 exemplaires selon l’introduction de la Géodésie publiée en 1873. L’Éthiopisant Joseph Tubiana aurait été ravi de consulter l’exemplaire dédicacé par Antoine à M. Houël, en ligne ici.

[2] TUBIANA (Joseph), Les moissons du voyageur ou l’aventure scientifique des frères d’Abbadie (1838-1848), in Antoine d’Abbadie, 1897-1997 : congrès internacional, p. 54.

[3] L’exemplaire de biblethiophile, acquis en 2021 dans une librairie ancienne, provient d’une sortie des collections du Service Historique de la Défense — tampon humide faisant foi  — et de la Bibliothèque du Dépôt des Cartes et Plans de la Marine.

[4] Anaïs Wion (19 avril 2021). Transcrire les carnets d’Antoine d’Abbadie #1. Carnet d’Afriques, revue d’histoire, consulté le 25 mars 2025