Oreste Baratieri

↗ 1887 ↘ ? ↗ 1896 (03) ↘ ?

Notes

Pour comprendre les actions du général Baratieri et la défaite d’Adua, il n’est pas inutile de condenser chronologiquement les événements.

Repères chronologiques

1887-1888 : Baratieri fait connaissance d’Arimondi pendant la campagne. Il est sous les ordres de Baldissera.
1889-2 mai : Traité d’Uccialli.
juin : Gandolfi gouverneur.
1890-27 juin : Agordat, 1er combat.
20 novembre : Agordat, construction du fort.
1891-11 février : Rupture des négociations avec Ménélik.
1er juillet : Baratieri gouverneur par intérim.
20 octobre : Gandolfi de retour.
6-7 décembre : Entrevue sur le Mareb, avec les ras tigrins.
1892 : Adi Ugri (Godofelassi), construction du fort.
mars : Baratieri gouverneur civil ; Arimondi commandant des troupes.
juillet : Traversi, mission près de Ménélik.
décembre : Ras Alula se révolte contre Mangascia. De Martino fait prisonnier.
1893-mai : Mangascia demande une entrevue.
février : Traversi remet les cartouches à Ménélik.
27 février : Ménélik dénonce le traité d’Uccialli.
septembre : Baratieri appelé en Italie.
novembre : Concentration des Derviches à Cassala.
21 décembre : Agordat, 2ème combat et victoire.
1894-1er janvier : Baratieri de retour.
février : Arimondi est nommé au grade de général.
mars : Piano, mission vers Ménélik.
1er juillet : Budget unique, géré par le gouverneur responsable, sous la direction du ministère des affaires étrangères.
juillet : Arimondi en congé en Italie.
octobre : Arimondi ne souhaite pas retourner en Afrique.
18 décembre : Halai, insurrection étouffée par Toselli, Batha Agos tué.
23 décembre : Arimondi de retour à Asmara.
1895-13 février : Coatit & Sénafé, déroute des troupes de ras Mangascia.
23 avril : Baratieri, 1ère demande de rapatriement.
21 avril : Arimondi, 1ère demande de rapatriement.
10 juin : Baratieri, 2ème demande de rapatriement.
9 juillet : Baratieri, 3ème demande de rapatriement.
17 juillet : Baratieri appelé en Italie.
26 septembre : Baratieri de retour.
10 novembre : Arimondi, 2ème demande de rapatriement.
24 novembre : Toselli quitte Macallé pour Amba Alagi, avec l’accord d’Arimondi, en dépit des ordres de Baratieri de ne pas sortir des anciens Etats de Mangascia.
7 décembre : Amba Alagi, combat et retraite italienne.
1896-7 janvier : L’armée de Ménélik au complet est à Enda Jésus (Macallé).
Janvier : Retraite de la garnison d’Enda Jésus (bataillon Galliano) sous escorte de l’armée éthiopienne.
30 janvier : Arrivée du bataillon Galliano à Adagamus (près d’Adigrat).
6 février : le ras Makonnen et le major Salsa s’entretiennent et conviennent des conditions préalables à un traité de paix.
8 février : Crispi, le président du Conseil des ministres, répond que la confirmation du traité d’Uccialli est une des bases de la négociation de paix.
22 février : Baldissera est nommé au commandement en chef des troupes en Afrique. Baratieri n’est informé que 4 jours après la débâcle de la bataille d’Adoua.
1er mars : Bataille d’Adoua, débâcle et retraite.
5 mars : Baratieri remet le commandement à Baldissera, à Asmara.

Publications de Baratieri

En 1895, c’est-à-dire après la victoire de Coatit et Sénafé, Baratieri publie Operazioni militari nella colonia Eritrea dal 15 Dicembre 1894 al 20 Gennaio 1895.

Les 5 et 6 juin 1896 se tient le procès du général Baratieri au tribunal spécial d’Asmara. La même année est publié l’Auto-Defesa del generale Baratieri. L’introduction de l’ami et éditeur du commandant général certifie que le texte est de la main du général et qu’aucune modification n’a été apportée.

A son retour en Italie, le général Oreste Baratieri rédige ses mémoires et les publie. La traduction française est conforme au texte italien mais elle est enrichie d’une introduction historique et géographique et d’un chapitre en guise de conclusion. Elle est datée de septembre 1898, à Arco, au bout du lac de Garde.

Les mémoires du général Baratieri

Les repères listés ci-dessus ne résument pas les mémoires du général et il serait, d’ailleurs, illusoire et irrespectueux de vouloir les réduire à quelques mots. Cependant, quelques points peuvent être relevés et permettront de mieux juger l’événement.

Les repères chronologiques montrent que les gouverneur et commandant déchantent rapidement et demandent à plusieurs reprises leur rapatriement. L’ampleur de la tâche qui leur est attribuée n’en est pas la raison mais plutôt la répartition des responsabilités et les moyens mis à disposition.

Dès mars 1892, le pouvoir dans la colonie est divisé entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. Le premier est attribué au général Baratieri, le second au lieutenant-colonel Arimondi, nommé au grade de général depuis février 1894. Un décret de Rome met de l’huile sur le feu et stipule que le gouverneur civil de l’Erythrée a le droit de prendre le commandement suprême des forces de terre et de mer de la colonie, toutes les fois qu’il croira la chose nécessaire. Il ne faut pas être devin pour prédire que des dissensions apparaîtront entre les deux militaires aux grades égaux.

« L’argent est le nerf de la guerre » dit le proverbe et les mémoires du général Oreste Baratieri le confirment. Le gouverneur doit faire face à la singularité de gérer un budget colonial double : l’un pour les dépenses militaires, dépendant du ministère de la guerre ; l’autre pour les dépenses civiles, dépendant du ministère des affaires étrangères. Le 1er juillet 1894, le budget unique est attribué au gouverneur sous la direction du ministère des affaires étrangères, ce qui n’est pas pour améliorer les rapports entre les généraux Baratieri et Arimondi. Le gouverneur demande des moyens et reçoit en retour l’ordre de faire des économies. Le pouvoir politique à Rome est déconnecté de la réalité coloniale, des conditions géographiques particulières. A tel point que les chaussures des soldats deviennent un « inconvénient irréparable ». Tout voyageur qui a crapahuté dans les montagnes éthiopiennes peut aisément s’imaginer les pieds mal chaussés ou nus des soldats italiens et l’effort inouï qui en résulte. En pensant aux climats diamétralement opposés qu’offrent Massaoua et Adoua, on peut assurément affirmer que l’équipement des soldats fraîchement sortis de l’école militaire devait être inadéquat.

Ces lacunes auraient pu être comblées mais Baratieri devait encore surmonter une plus grande épreuve, celle du double jeu des ministres. La « balance de la double entente » consiste à rechercher un accord avec Ménélik d’un côté et avec Mangascia de l’autre ou, autrement formulé, à mener une politique choanne et une politique tigrine. Ces politiques ont permis à Ménélik de s’armer ; elles ont semé le doute au Tigré et ont finalement abouti à une entente entre le Choa et le Tigré contre l’avancée de l’armée italienne.

Effectivement, à l’initiative de Toselli et avec l’accord d’Arimondi, l’armée italienne progresse en direction du Choa et occupe Amba Alagi, au-delà des limites fixées par le général Baratieri. Cette avancée et la retraite d’Amba Alagi qui fait suite sont les prémices des déboires de l’armée italienne. La retraite de Macallé et la débâcle d’Adoua mettent fin abruptement à la carrière du général Oreste Baratieri.

Biblethiophile, 05.01.2022